Où acheter son vin ?

Plusieurs choix s’offrent à vous concernant le lieu d’achat de votre vin. Tout dépend de ce que vous recherchez : le prix, le choix, la qualité, le conseil… Connaissez-vous ces différents endroits ? Où achetez-vous votre vin ?

Chez le vigneron

C’est le mode d’achat le plus convivial : le contact avec le producteur. Il saura vous raconter mieux que personne l’âge moyen de ses vignes, la composition et l’orientation des sols, le problème de sécheresse ou d’excès de pluie, son travail au chai… Vous pourrez visiter les vignes et la cave, une occasion de faire progresser vos connaissances dans le vin. Attention à ne pas abuser de l’hospitalité du vigneron surtout si ce n’est que pour acheter une bouteille. A noter, que les prix ne sont pas forcément plus bas à la propriété, certains producteurs veillent à ne pas faire de concurrence à leurs distributeurs.

Au supermarché

La grande distribution réalise la plus grande part des ventes de vin en France. Pendant longtemps on a regretté les conditions de stockage approximatives des bouteilles. Les circuits font maintenant des efforts pour garder et présenter leurs vins convenablement. Dans certaines enseignes, vous trouverez une personne détachée pour vous conseiller en cas de questions ou de doutes devant le large nombre d’étiquettes dans le rayon. Les prix y sont attractifs dû à l’achat en grande quantité. Lorsque vous vous trouvez devant le rayon plusieurs éléments vous attirent l’oeil : les collerettes, ces cartons vous indiquent que le vin a été sélectionné, approuvé ou recommandé par un guide (Hachette, Gault&Millau, la Revue des vins de France…). Elle ne signifie pas que le vin est exceptionnel mais il garantit une qualité acceptable. Vous verrez également sur certaines bouteilles des médailles. Soyez vigilant avec ces dernières ! Tous les concours de dégustation ne se valent pas. C’est la renommée du salon et de son concours qui donnent de la valeur à une médaille.

Chez le caviste

Il sera votre interlocuteur de proximité. Certains sont indépendants, d’autres gèrent une succursale. N’hésitez pas à lui confier le contexte de votre dégustation : un apéro entre amis, un cadeau, un dîner romantique… Si c’est pour accompagner un repas, il vaut mieux lui dévoiler le menu pour qu’il vous conseille un super accord. Le caviste saura vous guider sur l’évolution probable des vins. Si vous lui demandez quelle est sa dernière trouvaille, il pourra peut-être vous faire découvrir un vin inattendu et surprenant vers lequel vous ne seriez jamais allé si vous l’aviez acheté en grande surface.

Les sites de e-commerce

La vente en ligne explose. Il existe plus de 300 sites de e-commerces de vins en France. Cependant restez méfiant ! Vous risquez de manquer de conseils ou d’informations. Certains sites vous décriront le vin, ses arômes et son caractère… Ce qui peut être un très bon signe sur le site ! En revanche, attention à ceux qui ne détaillent pas le vin. Si c’est votre première commande sur un site visez des vins très abordables ce qui vous permet de vérifier la qualité de la sélection mais également pour tester les conditions de stockage qui ne sont pas toujours bien respectées. Attention aux fausses promotions n’hésitez pas à comparer les tarifs sur des sites spécialisés comme WineDecider ou Wine-Searcher.

Les foires aux vins & les salons

A l’automne, c’est l’occasion pour les grandes surfaces d’organiser des foires aux vins, une opération de promotion annoncée à partir de catalogues. Les meilleures affaires côtoient les moins bonnes. Soyez vigilants ! L’idéal est d’acheter quelques bouteilles, de les déguster à la maison et de retourner chercher d’autres bouteilles de votre coup de coeur. Vous pourrez vous fier aux indications des guides et de la presse spécialisée qui réalisent des dossiers complets à cette période de l’année.

La tentation existe pour que l’on y cède

Guy de Maupassant

Quels vins servir pour le repas de Noël ?

Noël sans la dinde et la bûche ne serait pas Noël. Tradition oblige, un repas de fête de fin d’année invite aussi du saumon, de la pintade, du foie gras et du bon pain toasté. La règle d’or pour des accords faciles et réussis consiste à choisir des vins qui flattent discrètement les mets sans jamais les éclipser. Ces idées pourront vous rappeler votre enfance ou vous faire (re)découvrir les grands classiques des fêtes.

Pour commencer le diner, rien de mieux qu’un plateau d’huitres du Bassin d’Arcachon ou du Cap Ferret bien-sûr, accompagnés de vin blanc de l’Entre-deux-Mers ainsi que du foie gras qui requiert la présence incontestée d’un vin liquoreux. A vous de choisir parmi les SauternesJurançon ou Monbazillac. Tous ces mets raviront vos invités et vous pourrez ainsi passer au plat. 

Le moment idéal pour miser sur de nombreux classiques. L’évidence pour tout le monde : la volaille. Un bon poulet, l’incontournable chapon ou dinde farcie accompagné de marrons, d’une poêlée de légumes ou encore d’un gratin dauphinois. N’hésitez pas à ouvrir la belle bouteille de rouge (en magnum c’est encore mieux) que vous avez fait patienter en cave ou que vous vous êtes offerte pour l’occasion. Avec une dinde farcie, préférez des vins généreux comme un Châteauneuf-du-Pape, un Pomerol ou un Saint-Emilion. Avec un gibier, optez pour un vin du Languedoc parmi les Minervois et les Corbières.

C’est bien rare qu’un seul vin puisse s’allier avec tous les fromages du plateau car chacun a un goût et une texture bien spécifique. Avec un rouge souple, préférez un Cantal ou une tomme de brebis, avec un rouge structuré, choisissez un Saint-Nectaire ou de l’Oassau-Iraty.

Arrive enfin le dessert, pour une bûche à base de fruits rouges ou fruits exotiques, adoptez un Crémant ou un Gewurztraminer. Pour une bûche au chocolat, gardez un rouge structuré comme un Saint-Emilion, un Cahors ou un Pécharmant.

Attention à ne pas sortir les vins les plus vieux de votre cave sans choisir un plan B.

« Bonne cuisine et bon vin, c’est le paradis sur terre »

Henri IV

Les vignobles Ducom, un viticulteur passionné

Partons à la rencontre de Gilles Ducom, viticulteur passionné dont la propriété de 3,5 hectares est située aux Artigues de Lussac. Il va nous livrer certains de ses secrets.

« La propriété appartenait au grand-père de mon ex-femme. A l’heure actuelle, j’ai 3,5 hectares répartis sur plusieurs communes ce qui m’offre une palette d’appellations d’origine controlée : Bordeaux Supérieur, Montagne Saint-Emilion, Lalande de Pomerol. J’ai commencé en 1996 à titre secondaire. Je travaillais sur une exploitation en même temps pour acquérir de la pratique et de la technique. Je me suis installé à titre principal en 1997 avec 1,5 hectares. Je n’ai pas un parcours commun : j’ai une formation d’économiste et de droit. Cela me paraissait très intéressant. J’ai fait l’institut de géographie aussi. Je cherchais ce que je voulais faire à l’époque. J’ai même passé le concours de l’école normale. »

Pourquoi avoir choisi le vin ? « C’était une passion ! Ca m’a toujours intrigué surtout quand je suis arrivé dans la région. Au début, j’ai commencé par vendre des maisons, puis je suis rentré dans la grande distribution en tant que chef de rayon liquide. Je me suis intéressé au vin. J’en vendais mais je voulais savoir comment ça se faisait. Un jour, une collègue de mon ex-femme, m’a expliqué que son mari travaillait dans un château et qu’au vu de mon CV, je pourrai postuler. Je n’y connaissais rien j’ai fait l’équivalent d’un BTA (brevet de technicien agricole) en 1 an. Je suis allé en alternance dans un château qui faisait des liquoreux à Sainte Croix du Mont. J’y ai vraiment pris goût. Ces études, je les ai faites avec plaisir, j’avais un but ! J’ai eu mon diplôme, je suis revenu dans les coins. J’ai cherché du travail et assez vite j’ai trouvé un poste chez mon premier patron. En même temps, j’ai monté un projet d’installation.« 

« Je suis le Robin des Bois de la viticulture »

Gilles

Bio ou pas bio ? « Je suis en agriculture raisonnée parce que j’utilise trois produits qui ne sont pas bio, c’est-à-dire qu’ils sont de synthèses. Attention ce ne sont pas des CMR* ! Les produits que j’utilise sont diffusés uniquement sur la fleur. Avant et après je fais du cuivre et du soufre. Je n’ai rien contre ceux qui font du bio au contraire. Je leur tire mon chapeau parce que c’est du boulot et des risques de perte de récolte. Personnellement, j’ai désherbé pendant 2 ou 3 ans. J’ai été sensibilisé et depuis je laboure. Par contre, il ne faut pas faire passer les bio pour les gentils et les autres pour des méchants !« 

Faire du vin est une chose, le vendre en est une autre. « J’en vends dans les grandes surfaces. J’ai des points de chute. J’ai eu fait des marchés mais je ne fais pas d’exportation à l’étranger car j’ai un trop petit volume de vins. Je vendais une grosse partie du Bordeaux supérieur aux négoces parce que ça faisait trop de bouteilles que je ne suis pas en capacité de fournir ici. Malgré tout, ça assure une rentrée d’argent. Il faudrait quand même fixer un prix minimum pour le tonneau car ils n’ont pas de concordance, il y a trop de différences entre nous et certaines propriétés dans le Saint Emilion notamment. Moi j’ai des vignes sur trois appellations différentes : Bordeaux Supérieur, Montagne Saint-Emilion et Lalande de Pomerol. C’est dû à un découpage politique ! Les vignes que j’ai aux Artigues de Lussac ne font pas partie de l’appellation Lussac malgré le nom. Je suis coincé dans une gamme de prix. Je pourrai très bien dire mon vin il vaut 13,50€ la bouteille mais il faut le justifier auprès des consommateurs qui vont dire qu’il n’est pas mauvais pour un Bordeaux. »

« Faire du vin, c’est recevoir le plaisir que l’on procure aux autres »

Gilles

Trois vins sont produits sur la propriété : « le Château des Vieilles Vignes distribué en bib et provenant de l’appellation Bordeaux Supérieur, le Château du Biscarlat en appellation Lalande de Pomerol et enfin le Château LéoLucas en appellation Montagne Saint-Emilion. Les deux derniers sont mis en bouteilles. Le cépage Merlot domine à plus de 90%. Le terroir en grande partie graveleux, leur donne une structure et une persistance aromatique. Les raisins sont récoltés à sur-maturation pour obtenir des vins denses à la fois charpentés et charnus mais aussi souplesse et rondeur avec un fruit très présent caractérisé par des notes de mûre, cassis, pruneau confit. L’intégralité de la production est caractérisée par des vins de garde (8 à 12 ans).« 

N’hésitez pas à aller à sa rencontre pour déguster ses vins et en acheter !

CMR : cancérogène, mutagène et reprotoxique

Qu’est ce qu’un cépage ?

Le vin est avant tout une histoire de cépages. Pas n’importe lesquels : ceux issus d’une plante appelée Vitis Vinifera. Il existe près de 10.000 variétés dans le monde, mais seulement très peu sont cultivés pour une production commerciale de raisin de table, de raisin sec ou de raisin de cuve. Connaissez-vous son histoire ?

Les cépages que l’on connaît actuellement sont nés de mutations ou de croisements spontanés au cours des âges et d’une adaptation aux conditions naturelles. Leur identification à partir de caractères morphologiques (feuilles, fruits…) et physiologiques (précocité, vigueur…) est la science de l’ampélographie. Ces croisements répondent à un besoin d’améliorer le potentiel de la plante. Un hybride est issu d’un coupement entre une ou plusieurs espèces américaines et l’espèce européenne vinifera. Les hybrides ont été largement développés au XIXe siècle pour obtenir des portes-greffes résistant au phylloxéra*, à d’autres maladies… mais aussi pour avoir des cépages plus fertiles destinés à produire directement du vin. Au cours des siècles, les vignerons ont repéré, isolé et reproduit les variétés les plus adaptées à leur environnement sur des critères de qualité mais aussi d’intérêt économique.

Qu’est ce qu’un « bon » cépage ?

C’est une variété suffisamment résistante aux maladies et d’un rendement correct. C’est également une variété plantée au bon endroit, sur des sites capables de porter ses fruits à la maturité souhaitée. Le mourvèdre demande des climats chauds, le riesling des climats frais ou tempéré et le chardonnay lui s’adapte à des conditions très diverses. La nature des sols est un critère important : un même cépage planté sur une plaine riche et humide et sur un coteau aux sols pauvres et bien drainés produira un raisin et donc un vin très différent. La qualité d’un cépage tient autant de ses aptitudes propres qu’à la compréhension par l’homme de ses exigences. Un bon cépage est avant tout une variété capable de donner des vins agréables par ses arômes mais aussi par les sensations qu’il procure en bouche, l’équilibre, et ceci dans des conditions économiques viables.

Comment reconnait-on un cépage ?

  • Dans la vigne

Un oeil très exercé saura reconnaitre un cépage par sa morphologie : la forme des feuilles, des grappes, la taille, la couleur ou la densité des baies. Les grappes du sauvignon et du riesling sont petites et compactes, celles de l’ugni blanc sont très grandes et très longues. Le petit verdot a de petites baies compactes et serrées, le pinot gris a des baies d’une teinte rosée. Le grenache a une feuille dentelée à cinq lobes alors que celles du gamay ou du sylvaner sont très peu découpées.

  • Dans le verre

La vinification va influencer et donner des arômes originaux et une structure spécifique (acidité, tanins). Le gewurztraminer est reconnaissable à ses parfums entêtants de litchi ou de rose, le riesling à son acidité tranchante et le tannat à ses tanins puissants. Le chardonnay va avoir plus de facettes, il est capable de produire des vins aux personnalités opposées : vifs et minéraux sous des climats frais et chaleureux et exotiques sous des climats chauds. Le grenache peut se décliner en vin rosé souple, en rouge chaleureux et en vin naturel puissant et corsé.

Phylloxéra : cf mon article sur les débuts du porte-greffe du 8 mars 2022

Boire du vin, c’est boire du génie

Charles Baudelaire

La conservation d’un vin après son ouverture

Il reste du vin à la fin de la soirée ? Ne le mettez pas à l’évier ou dans le vinaigrier ! Il est possible de le conserver encore quelques jours après l’ouverture. Je vais vous dévoiler quelques secrets.

La conservation va tout d’abord dépendre du type de vin. Les vins doux se conserveront plus longtemps comparés aux autres grâce à leur teneur en sucre. En effet, plus le vin est doux, plus il se conserve pour une plus longue durée car le sucre aide beaucoup à la conservation après ouverture. La qualité et la conservation d’un vin ouvert dépendent essentiellement de la température, de la lumière et de la quantité d’oxygène présente dans la bouteille. Ce sont ces éléments qui peuvent altérer votre vin. Vous devrez tenir les bouteilles éloignées des hautes températures qui accélèrent le processus d’oxydation. Evitez donc toute proximité avec des sources de chaleur : l’idéal est de ne pas dépasser les 15°C. 

Pour le vin blanc, il est conseillé de le remettre à la cave ou dans le réfrigérateur. Pour le vin rouge ouvert il est possible de le conserver au frigo jusqu’à 5 jours selon les vins, et de les sortir quelques heures avant le service pour qu’il soit à bonne température. Le vin rouge notamment, supporte difficilement la lumière, donc il faut éviter de mettre votre bouteille ouverte dans une pièce trop éclairée par la lumière du jour ou au soleil. L’idéal serait un rangement en placard. Enfin, il vous faut limiter l’oxydation du vin : l’air qui entre en contact avec le vin l’oxyde. Il faut donc impérativement penser à refermer la bouteille immédiatement après le service en mettant le bouchon d’origine à l’envers.

Comment savoir si le vin est encore bon ?

Pour savoir si votre vin est encore bon ou s’il est madérisé, c’est-à-dire qu’il devient amer avec un goût de pomme blette, vous n’avez pas besoin d’être œnologue ou sommelier. Vous versez le vin à tester dans un verre à vin et laissez reposer pendant quelques minutes. Si le trouble se dissipe et que des dépôts tombent au fond du verre, soyez tranquille car le vin n’a pas été contaminé par des bactéries. Par contre, s’il présente une odeur inhabituelle, désagréable ou même dégoûtante, il est probablement bon à jeter. Toutefois, vous pouvez conclure votre petit test sur l’état du vin en le goûtant. Le vin n’est plus bon s’il a perdu tous ses tanins, ce qui signifie qu’il y a une absence totale d’acidité, qui est également caractéristique d’un défaut de fraîcheur.

Il y a un lien très étroit entre le flacon, l’endroit, le moment et les gens avec qui vous le dégustez

Eric Revel

Château Grée Laroque, il n’y a pas de bon vin sans bons raisins !

La découverte de certains châteaux se fait parfois par le bouche à oreilles entre passionnés du vin. C’est ce qu’il s’est passé pour le Château Grée Laroque situé à Saint Ciers d’Abzac. Partons donc à la rencontre de Arnaud Benoît de Nyvenheim, le propriétaire.

« Je suis arrivé complètement par hasard dans le vin en 1982 ! On devait partir en Afrique en camping-car avec ma femme pendant un an. On cherchait une baraque pour poser les meubles et l’agent d’affaires nous a fait visiter en face. Je suis allé de l’autre côté, j’ai regardé le point de vue, je me suis dit que c’était superbe et on a acheté une étable ! Il n’y avait pas de bâtiment, on a vécu dans une caravane pendant 7 ans. J’ai fait de la merde pendant des années en cherchant une technique pour faire le vin mais ça ne fonctionne pas comme ça ! On doit s’adapter à la nature et cette année a été vraiment un exemple. » Propriétaire de 1 hectare et demi, Arnaud a une vision très directe de la façon de faire du vin.

« Ma démarche était très égoïste, c’était pour ma gueule au départ. Je voulais boire le meilleur vin possible. En 2000, je rencontre Stéphane Derenoncourt qui me fait comprendre qu’il fallait une certaine sensibilité. Un con fait un vin de con ! Il m’a appris aussi que mon terroir ne peut me donner que ce qu’il peut exprimer. Il ne faut pas essayer d’obtenir autre chose. On est agriculteur avant tout ! En 2001, je décide de présenter mon millésime 2000 en Primeurs. Bonne surprise, tout est parti en 2 heures. Ca a fonctionné à fond la caisse jusqu’en 2007… Avec la crise des subprimes tout s’est cassé la gueule ! Les Etats-Unis n’en voulaient plus etc… A partir de là, ça a été un peu plus compliqué. »

« Si tu sors du lot sur une année difficile, c’est là où tu vas marquer les esprits ! »

Arnaud

« Le plus grand problème d’un viticulteur ce n’est plus de faire une année bonne, deux années moyennes et une année de merde. Le truc c’est de faire bon chaque année. » Mais est-ce que ce n’est pas le plus difficile ? « Au contraire, c’est ce que je préfère parce que c’est là où tu t’en sors le mieux par rapport aux autres. Si ça ne me plait pas comme en 2013, je ne mets pas en bouteilles. »

« J’ai deux vins. Le Château Grée Laroque, dont le nom vient du nom de jeune fille de ma femme Patricia et Laroque pour le lieu-dit. Le vin est issu des vieilles vignes qui ont plus de 60 ans en merlot essentiellement et un peu de cabernet franc, environ 7%. Et le Second de Grée qui est lui en 100% merlot. » Pourquoi avoir fait deux vins ?  » Tout simplement pour séparer les plantes des vieilles vignes qui ne donnent pas du tout le même vin. Le premier vin, tout le monde en veut. Mes clients principaux qui sont Suisses ne veulent pas le second. Pour eux c’est péjoratif. C’est une erreur commerciale que j’ai faite. Le Second de Grée, il y a de l’humour dedans mais c’est une connerie. J’aurai du faire un deuxième nom de château pour bien différencier les deux. » Quel type d’entretien pour la vigne ? « On est en bio ! De base, je ne voulais pas le faire. J’ai horreur de faire partie d’un groupe. Ca m’emmerde ! Cela fait 5 ans. Il y a un cahier des charges mais c’est ce que l’on faisait avant. » Pourquoi ne pas se lancer dans la biodynamie ? « C’est beaucoup plus compliqué ! Il faut y croire, c’est presque une religion. Moi je n’ai pas envie de saupoudrer en pleine nuit avec la lune. »

« Pour les vendanges, tout se fait à la main. En cagette, de façon à ce que le raisin ne se tasse pas. On érafle, on travaille les baies entières. Ca tombe sur la table de tri. La grappe est coupée, reste dans la cagette et elle est travaillée au dernier moment. On travaille tout en douceur. Il faut que tu aies la pompe qui accepte de prendre les grappes entières pour ne pas les écraser. On est une dizaine de vendangeurs. Cette année, c’était parfait ! Pas de pourri. C’est la première fois que je vendange et où il n’y a pas de pourriture. On a fait un tri à la vigne mais aussi un autre à l’arrivée au chai. A ce moment-là, il ne rentre que du caviar. »

« Je me fous complètement du rendement, je veux que ce soit bon ! »

Arnaud

« La sécheresse et la grêle n’ont pas vraiment abîmé la vigne. J’ai tout laissé pousser sauf les cavaillons. Comme on a des vignes à 150, le soleil n’avait pas le temps de taper. Il n’était pas fixe sur les grappes. Il fallait faire ça cette année ! Beaucoup ont été assez cons et ont fait comme d’habitude, ils ont rogné. C’est incroyable l’incompréhension qu’ont eue les gens. L’année dernière, j’avais fait 22 hecto/hectare et cette année j’ai fait 40 hecto/hectare. Je n’ai pas fait le con c’est tout ! A un moment donné, il n’y avait plus rien à faire dans les vignes et certains ont préféré dire aux équipes d’aller rogner ou travailler les sols. Ils n’ont pas compris qu’il fallait laisser faire la vigne. »

Va-t’on vers un grand millésime 2022 ? « Il y aura beaucoup de merde mais ceux qui ont su faire vont sortir des produits fabuleux ! J’ai tout fait à la dégustation avant les vendanges. Avant, je prenais les baies, je les amenais au labo. Autre détail pour le millésime 2022, tout le monde s’affole pour arracher et planter de nouveaux cépages à cause du réchauffement climatique. Cette année, ils l’ont dans le cul parce qu’ils auraient pu faire très bon avec la canicule. Il ne faut pas se précipiter. La vigne supporte ! On en plante partout même, en Mongolie. »

« La passion a pris le dessus sur le fait que je n’y connaissais absolument rien. Je pourrais la définir en trois mots : l’attention, le ressenti et la compréhension ! Cela fonctionne pour tout dans la vie. Le ressenti est le plus important. On va chercher l’équilibre et le soyeux »

Pour découvrir les vins d’Arnaud, n’hésitez pas à le contacter pour le rencontrer et déguster ses produits.

Qu’est ce que l’élevage ?

Vous avez sûrement déjà lu sur l’étiquette d’une bouteille de vin « élevé en fût de chêne » ou « vieilli en barrique ». Les vignerons mettent en avant leur méthode d’élevage. Savez-vous en quoi cela consiste ?

A quoi sert l’élevage ?

L’élevage désigne la période entre la fin de la fermentation et la mise sur le marché pendant laquelle le vin est conservé dans des cuves ou des bouteilles dans la cave du vigneron. Le sucre contenu dans le jus de raisin s’est déjà transformé en alcool, mais le vin contient encore des résidus qui le rendent trop fragile pour être vendu. Le vinificateur va chercher à faire émerger de nouveaux arômes complexes pour l’assemblage. L’élevage peut-être extrêmement rapide ou durer plusieurs mois, en fonction du résultat souhaité dans l’aromatique et la structure du vin. Durant ce temps, les meilleurs vins s’affinent et révèlent leur subtilité.

Est-il obligatoire ?

Seuls quelques vins ne passent pas par la case élevage : le Beaujolais nouveau et les vins primeurs. Un décret leur permet d’être mis sur le marché dès la fin de la fermentation. On obtient ainsi des rouges à la limite entre le jus de raisin et le vin, aux arômes de fruit particulièrement marqués. Rouges, rosés, blancs… Tous les autres vins sont élevés, que ce soit dans une barrique, une cuve en inox ou en ciment, dans des œufs en béton ou des amphores.

Les différents contenants

On distingue deux grandes familles de contenants pour l’élevage : le fût et la cuve. Le choix de ces contenants est particulièrement important vis-à-vis du profil aromatique que le vinificateur  souhaite donner à son vin. L’élevage en cuve peut se faire dans des cuves en inox ou en béton. C’est l’élevage de choix  pour des vins aux arômes primaires intéressants et dont la jeunesse et la fraîcheur seront un atout lors de la dégustation. Comme c’est un contenant inerte, il ne donne pas de goût au vin et lui permet une évolution tout en douceur et très peu marquée. Le choix de ce contenant comporte également d’autres avantages pour le vigneron, notamment un coût souvent moins élevé que celui des fûts ainsi qu’une facilité de nettoyage et d’entretien. L’élevage en fûts est privilégié pour les vins que l’on souhaite complexifier avec des notes  aromatiques boisées, car le bois permet l’échange entre ses matières tanniques et celles du vin. Élever le vin en fût, c’est aussi l’élever dans un milieu perméable qui favorise l’échange entre le vin et l’oxygène, et qui favorise donc son aération et sa maturité. La qualité de la transmission de ces arômes dits boisés dépend alors du type de fût utilisé par le vigneron ainsi que son âge.  

Combien de temps élève-t-on un vin ?

Le choix du contenant a une grande influence sur le type d’élevage souhaité car il peut radicalement modifier le goût du vin. A la fin de l’élevage et après une première dégustation, le vinificateur décidera alors de sa date d’embouteillage. Si le vin bénéficie d’arômes primaires importants et qu’on peut aisément le déguster jeune, l’élevage sera assez court, de plusieurs jours à plusieurs semaines, mais il peut également durer plusieurs années en fonction du niveau de complexité aromatique désiré. Les vins blancs fruités, eux, se contentent de 6 mois d’élevage, afin de conserver tous leurs arômes, tandis que les vins de garde passent quelques mois de plus en fût. Le nombre de mois d’élevage peut également être défini par des décrets selon les appellations. Dans tous les cas, les échanges avec l’oxygène s’amenuisent après deux ans en barrique. Mieux vaut alors terminer l’élevage en bouteille et laisser le vin vieillir dans une cave.

De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous !

Charles Baudelaire

Qu’est ce que l’assemblage ?

Lorsque vous lisez une étiquette sur une bouteille de vin, vous pouvez y trouver par exemple 70% merlot, 15% cabernet franc et 15% cabernet sauvignon. Cela signifie la quantité de chaque cépage présent dans le vin. Donc vous comprenez bien que lorsque nous parlons d’assemblage, nous parlons d’un mélange de vins. Il ne s’agit pas de le faire au hasard ! Cela consiste à mélanger plusieurs cuves ensembles.

Mais pourquoi assembler différents cépages?

L’assemblage permet aux vignerons d’obtenir des vins plus complexes que s’ils n’utilisaient qu’un seul cépage. Cette technique est d’abord une façon de jouer sur la maturité, selon la variété, les raisins ne mûrissent pas au même rythme. Mélanger plusieurs cépages offre la possibilité d’apporter un peu de rondeur à un vin rouge trop tannique ou d’acidité à un vin blanc qui manque de vivacité. C’est également un bon moyen de multiplier les arômes, chaque cépage donnant des raisins différents. Il faut savoir qu’en France, plus de 200 cépages sont utilisés pour produire du vin. Ils n’ont pas tous les mêmes caractéristiques gustatives : certains demandent en effet à être complétés par d’autres cépages afin de donner un résultat plus séduisant. Bien entendu, mélanger différents vins de différentes façons va permettre d’obtenir un goût différent dans le résultat final. Cela permet ainsi de pouvoir proposer des vins aux profils divers pour des publics n’ayant pas les mêmes préférences.

Dans quelles régions fait-on de l’assemblage ?

Il faut savoir que la majorité des régions françaises pratique l’assemblage ! C’est notamment le cas de Bordeaux, où 5 cépages sont autorisés pour les vins rouges. Les grands crus de cette région, vendus à plusieurs centaines ou milliers d’euros, sont des assemblages. Ce procédé se retrouve majoritairement dans les vignobles situés au sud de la Vallée de la Loire. En fait, seule la Bourgogne et l’Alsace sont réputées pour travailler en mono-cépage. L’explication est simple dans ces deux régions, les sols sont riches et très diversifiés. On obtient ainsi des vins complexes à partir d’un cépage unique, qu’il s’agisse du pinot noir, du chardonnay, du riesling ou encore du gewurztraminer. Les vignobles du Bordelais, du Sud-Ouest ou de Provence, eux, sont souvent plantés sur des parcelles d’un seul tenant. Les vignerons compensent ainsi un terroir plus uniforme par des assemblages qui leur sont propres.

A quel moment se passe l’assemblage ?

La décision revient aux vignerons. Certains élèvent leurs vins issus de différents cépages ensemble : le mélange est fait dès la mise en cuves, tandis que d’autres vendangent et vinifient chaque cépage séparément, puis assemblent leurs vins avant de les mettre en bouteille. Le maître de chai ou le vigneron fait alors plusieurs essais, pour tenter de trouver la meilleure proportion d’un cépage par rapport à l’autre. Le vin restant peut alors être utilisé pour l’élaboration du second vin du château.

La technique de l’assemblage est un procédé qui permet de révéler de nombreux goûts et saveurs qu’un vin mono-cépage ne pourra exprimer. Très peu connue du grand public, elle est pourtant utilisée dans la majorité des vins que l’on trouve dans les commerces.

La vie est trop courte pour boire de mauvais vins

Goethe

Château Magondeau, une histoire ancestrale La suite

Repartons à Saillans pour découvrir la suite de l’histoire du Château de Magondeau. Rappelez-vous, Olivier Goujon est la quatrième génération de vigneron sur la propriété. Il détient 18 hectares. En 2003, il a arraché ses derniers pieds de cabernets pour y planter…

« J’avais un rêve… Celui de faire du blanc ! Je suis un amateur de Pouilly et de Sancerre (des vins du Val de Loire). J’ai un ami qui en fait un super bon et on se retrouvait souvent sur les salons. Je voulais faire un vin assez convivial comme le moment qu’on passe avec ses amis. L’idée était d’avoir un vin à base de 100% de sauvignon blanc. En discutant avec mon cousin, il m’a conseillé d’essayer les sauvignons gris parce qu’avec seulement du sauvignon blanc, le vin allait avoir une belle attaque mais il allait retomber très vite dû à nos terroirs argilo-calcaire. Je l’ai donc écouté et j’ai fait un assemblage 70% de sauvignon gris et 30% de sauvignon blanc. Bien m’en a pris parce que nous avons des résultats sympas. On a fait une petite vinification, une partie en fût et une partie en cuve. J’appelle ça la bouteille de la porte de frigo ! Dès qu’un copain passe, on boit un coup de blanc. C’est le discours que je tiens aux clients : le samedi soir, vous vous mettez une bonne caisse, le lendemain matin une bonne douzaine d’huitres et un coup de blanc et on remet le facteur sur le vélo! »

Partons à la découverte des différents vins de la propriété : « Nous avons deux vins et une cuvée en appellation Fronsac. Un premier qui est élevé en cuve : le château Magondeau, un vin puissant avec des arômes de fruits rouges et une jolie structure tannique en 100% merlot. Un deuxième qui connaît un élevage en fût de chêne 12 mois avec un tiers de fût neuf : le château Magondeau Beau-Site, un vin avec des tanins puissants et un bon potentiel de vieillissement. Il a des notes de fruits noirs et d’épices ainsi que des arômes de grillé et de torréfaction. Pour les belles années, nous faisons une cuvée Passion, en sélection parcellaire, un élevage de 17 à 18 mois en fût avec 60% de fûts neufs. Il a des arômes de fruits et de fleurs ce qui apporte une grande complexité en bouche, des tanins soyeux. »

« Depuis 4-5 ans, je vinifie en 300 litres !« 

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« Je retrouve beaucoup d’avantages ! Une meilleure relation qualité/ prix, le fût vieillit moins vite puisque le contact se fait plus lentement et on peut stocker plus de vin au même endroit. » Pour continuer la gamme des vins, Olivier déclasse du Fronsac pour faire un Bordeaux. « Dans cette gamme, je fais un blanc dont j’ai parlé précédemment, un rosé à base de rosé de saignée* en 100% merlot. Il tire un peu vers le clairet, je ne fais pas un rosé pâle comme en Provence. Je veux garder mon identité et je ne suis pas là pour les copier. Mon but est de faire un rosé croquant, fruité et une jolie couleur pêchue. Je produis également un rouge qui est sur le fruit et agréable. L’intérêt est de faire quelque chose de jeune. J’ai la chance d’être en Fronsac parce que ça reste une petite appellation : 750 hectares. C’est une appellation qui est en train de bien percer parce qu’on reste dans de bons rapports qualité/prix. Avec Canon et Fronsac, il y a une surface de 1000 hectares. 35% de l’appellation appartient à des Chinois. »

Connaissez-vous le Bordeaux Bashing ? Olivier se confie sur le sujet : « On essaie de se battre contre le Bordeaux Bashing mais quelque part on y a contribué ! Entre les grands crus qui sont hautains, pédants et donneurs de leçons à l’étranger qui veulent faire croire qu’ils sont les champions du monde et ensuite la pléthore d’appellations, de prix, de produits… Il n’y a plus de lecture à Bordeaux ! Les gens sont perdus, c’est trop compliqué ! »

Passons à un sujet important : les traitements. « HVE on l’est ! Ca nous permet de dire aux gens qu’on travaille plus propre qu’on le fait déjà. Seulement les Cash Investigations ont fait beaucoup de mal. C’est bien de dénoncer mais il faut proposer des solutions ! J’en parle à mes clients, aujourd’hui je suis HVE mais avant c’était quoi ? Je reconnais que lorsque je suis revenu dans les années 80, le marchand de phyto venait et il me demandait quand est-ce que l’on commence à traiter ? Je lui disais « vu comme c’est parti au 10 avril on fait le premier traitement » et du 10 avril au 14 juillet minimum voire plus tard quand c’était humide, la feuille ne voyait pas un brin de soleil sans une couverture phyto et c’était des produits forts. 3 anti-botrytis notamment… Ce n’était pas de l’eau bénite ! Plus des huiles de pétrole l’hiver pour les maladies du bois. J’ai des photos de moi, le tracteur pas de cabine, je fumais donc la clope au bec et je traitais. On en mettait partout puisque l’on traitait au canon ! Maintenant, nous avons des stations météo qui nous guident dans les prévisions. « 

« Dans les vignes, j’y suis ! Je fais des simples travaux à la vente. J’ai le nez dedans, s’il y a de la maladie je la vois ! »

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Seulement les moyens et les budgets ont changé ! « Tout le monde veut faire du bio. Tellement que le marché est saturé. Tous les voyants sont au rouge dû aux erreurs stratégiques des années 95-2000 quand on a planté 30.000 hectares de plus et qu’on a arraché des bois partout. On a vu des vignes où elles n’ont pas lieu d’être. Maintenant même dans le Nord, ils plantent des vignes. » Un autre problème touche les viticulteurs : la communication ! « On connaît un vrai problème de communication. Le discours de Farges est de dire que les petits Bordeaux doivent se mettre en IGP. C’est facile à dire, il n’a jamais vendu une quille de vin, il porte tout en cave et ça dirige le CIVB. Nous cherchons à développer l’export parce que c’est l’avenir, le marché français est saturé ! Nous travaillons avec l’Allemagne, la Belgique, la Hollande, le Danemark, la Norvège. J’ai eu collaboré avec la Chine mais c’est tombé à l’eau car le marché là-bas est plein. »

Je lui ai demandé ce que je pouvais lui souhaiter pour l’avenir :  » Continuer à prendre du plaisir à faire mon travail même si ce n’est pas simple tous les jours. Garder du sang froid et de l’espoir, continuer à faire de bonnes choses et pouvoir réaliser mes rêves. C’est-à-dire : avoir Magondeau en bon état et avoir un bateau sur l’Isle pour pouvoir balader des clients et des importateurs. Parce que l’on vend du vin mais aussi une part de rêve ! Le vin est un produit de convivialité. C’est un produit qui va rassembler et faire parler qu’il soit bon, mauvais ou moyen. Il faut qu’il y ait une histoire sinon on boit de l’eau ! »

« C’est la passion qui m’anime ! »

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N’hésitez pas à aller à la rencontre d’Olivier au Château Magondeau pour découvrir la propriété ainsi que ses vins !

Rosé de saignée : Retrouvez l’explication dans mon article sur l’élaboration du rosé.

Château Magondeau, une histoire ancestrale

Partons cette fois se balader dans l’appellation de Fronsac. Connaissez-vous le Château Magondeau ? Il est situé sur la commune de Saillans. Je suis allée à la rencontre d’Olivier Goujon, le propriétaire, pour qu’il me livre un bout d’histoire de sa propriété de 18 hectares.

« C’est un domaine familial que mes grands-parents ont repris dans les années 30, puis mes parents dans les années 60. En 1956, une grosse gelée a touché et détruit le vignoble. Il n’y avait pas eu d’hiver et en février, en une seule nuit, la température a chuté de 15 degrés ! La sève était encore présente dans les pieds, ces derniers ont éclaté ! Mon grand-père, à cette époque, vendait tout aux négoces en citerne. Sauf qu’il s’est retrouvé sans récolte et donc sans rentrée d’argent. Il a fallu remettre à flot la propriété. Mon père est parti 27 mois sous les drapeaux pendant la guerre en Algérie et Tunisie. » Une période difficile pour les vins en Fronsadais avec l’abandon des négoces pour cette appellation. « Les professionnels avaient une image de vin de caractère du fait du terroir et des encépagements. Nous faisions à leurs yeux un vin médecin ! »

« A cette époque, mon père a redémarré doucement la propriété en développant la vente en bouteilles. Par un concours de circonstances, des belges présents à l’époque de la guerre sont revenus 15 ou 20 ans après. Ils ont dit à ma grand-mère et à mon père de venir en Belgique pour présenter leurs vins. Papa a donc démarré la mise en bouteilles à la propriété. Il en a profité pour prendre une carte de négoce. Il a donc acheté du vin à mon grand-père, à son frère, à un château dans le Pomerol et à une propriété dans le Saint-Estèphe. Au bout de quelques années, nous avons vendu que du Magondeau !« 

« A partir de cette période, avec ma maman, ils ont développé la vente directe sur foires et salons. C’était le début des foires de Paris et le début des 30 Glorieuses ! »

Olivier Goujon

Le vin, à cette époque, fait partie du quotidien et de la ration alimentaire. « Le vin se vendait très bien jusque dans les années 95. Mes parents écoulaient l’équivalent d’une récolte en bouteilles aux particuliers. Ils ne passaient plus par les négoces. Environ 132 à 135.000 bouteilles étaient vendues dans des salons à Paris, à la foire agricole, aux deux salons de Lille, deux autres à Strasbourg et un en Belgique. Ils faisaient deux mises en bouteille par an : une au printemps et une au mois d’Août. »

La passion du vin Olivier l’a depuis son plus jeune âge ! « Depuis que j’ai 12 ans, j’allais dans les chais et les vignes notamment pendant les vendanges. Lorsqu’on me demandait de choisir entre la plage ou les vignes, j’allais dans les vignes. Seulement en 5e, je suis parti en pension parce qu’en 6e lorsque je sortais des cours, je montais sur un tracteur ou j’allais voir ce qu’il se passait au chai. Ma mère était obligée de me courir après. Je suis donc parti en semi-disciplinaire à Tersac. Après des études de viticulture et d’œnologie, je suis revenu à la propriété en 1989. J’étais d’abord salarié jusqu’en 98, puis co-gérant et je me suis installé en 2000. L’année où il ne fallait pas mais ça je le dis avec le recul. » En 2000, Bordeaux était au sommet de tout au niveau vente bouteilles, négoce…

« A partir de 94-95, on a repris à vendre aux négoces car nous avions un peu de stock. Puis les foires commerciales ont perdu de la vitesse. On est arrivé à la fin des 30 Glorieuses. Les modes de consommation et les intérêts ont changé. De moins en moins de vins sont envoyés par les transporteurs à cause des coûts. Nous avons adhéré dans les années 95 aux Vignerons Indépendants. Nous avons constaté une baisse des clients fidèles à cause d’une multitude d’offres. Et ça va encore évoluer, on le voit notamment avec la remise en route des cavistes. Ces derniers se développent beaucoup en ville. A la campagne, on reste attaché à nos traditions, à nos habitudes parce qu’on est encore de la terre et qu’on a des racines ! Moi-même, je fais des échanges quand je reviens de déplacement. A Paris, par exemple, les gens quand ils sont avec des amis, ils vont soit dans un bar à vin, soit chez le caviste du quartier parce qu’ils n’ont rien dans la cave. Puis aussi avoir du vin dans sa cave, c’est un budget qui dort. On est dans une société de consommation rapide. »

« On ne fait plus les Fronsac que l’on faisait avant ! Ca ne correspond plus à l’attente des consommateurs !« 

Olivier

Sans surprise pour personne, les goûts des consommateurs ont évolué avec le temps. Olivier nous explique comment en gardant une identité, ses méthodes de vinification ont elles aussi changé. « J’ai pris la décision de me diriger vers du 100% merlot qui répond à la fois à cette histoire de vin de cépage et de facilité de découverte. Les gens n’apprécient plus les vins vieux. Pourquoi on les vieillissait ? Parce qu’à cause des techniques de vinification que l’on faisait, on n’avait pas le choix ! On éraflait plus ou moins, on remettait des rafles, on travaillait beaucoup moins les vins également. Jusque dans les années 80, nous avions une équipe de vendangeurs pendant 15 jours à 3 semaines. Pour la notion de maturité, nous savions que 100 à 110 jours après la fleur, nous étions dans les vendanges. Parfois nous récoltions un peu avant la bonne maturité. Cette notion technologique et œnologique n’était pas aussi poussée que maintenant ! Nous sommes passés à la machine dans les années 80, nous faisions appel à un entrepreneur mais il travaillait comme un cochon. Puis nous avons eu notre propre machine pendant environ 15 ans et maintenant, je fais faire par un entrepreneur. »

Le matériel est à prendre en compte à l’heure actuelle dans la qualité des vins. L’évolution est extraordinaire. « Maintenant, nous prenons en compte la maturité phénolique c’est-à-dire la maturité du pépin ! On va le goûter, plus il est marron, plus il est mûr. Du fait qu’il soit mûr, les tanins sont beaucoup plus doux. Maintenant en cuve, on ne met que les grains. Autrefois, on mettait un peu de rafle. A la fin de la vinification, si les vins sont trop durs, on va faire de la micro-oxygénation sur marc. Nous faisons des vins élégants, adaptés à la demande du client. Il veut des vins ronds, du fruit, de l’onctuosité, qu’il vieillisse 6-8 ans pour pouvoir se faire plaisir. Donc vous faites plusieurs cuvées ! »

« Nous avons arraché les derniers Cabernets que nous avions en 2003 ! »

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Retrouvez la suite de l’article la semaine prochaine…