Une famille de vignerons chargée d’histoire

Partons sur la route des vins médocains et arrêtons nous à Listrac-Médoc dans une propriété comptant 17 hectares de vignes : au Château Saransot-Dupré appartenant à la famille de Yves Raymond. Il m’a dévoilé les secrets de l’histoire de sa famille.

« En 1756, Guillaume Raymond, tonnelier, achète ses premières vignes. La famille prospère, ils sont à la fois viticulteurs et directeurs d’école. En 1875, Ovide Raymond, arrière petit-fils de Guillaume, achète deux grosses propriétés à Listrac : les vignobles Dupré avec Château Saransot-Dupré et Château Fourcas-Dupré. Le vignoble, au total, faisait 80 hectares. Malheureusement, peu de temps après son achat, en 1879, le phylloxera envahit le vignoble détruisant les pieds de vigne et en 1882 le mildiou ravage le Médoc anéantissant les récoltes. Ovide Raymond décède de la typhoïde, il avait 35 ans. Il laisse sa veuve croulant sous les dettes et obligée de vendre les propriétés. C’est le père de la veuve qui acheta Saransot-Dupré pour la redonner à sa fille. Avec toutes ces maladies, le cours des propriétés était divisé par quatre. Il choisit de racheter Saransot-Dupré parce qu’à l’époque il n’y avait pas de demeure à Fourcas-Dupré. Après cet épisode un peu spécial, la propriété est toujours restée dans la famille Raymond« . Une propriété riche en histoire qui ne s’arrête pas là…

« Tout fonctionnait bien dans les années 20 puis dans les années 30 cela vire à la catastrophe comme chez tout le monde. Cela dure jusqu’en 1975 environ où les cours ont commencé à se redresser. Pendant cette période difficile, les propriétés ne nous faisaient pas vivre. Mon père a eu l’idée de créer un négoce d’Armagnac auprès de particuliers belges. A partir de 1975, les cours se sont redressés, on a pu remettre à flot les propriétés qui étaient dans des états déplorables. Imaginez 40 ans sans argent… Ça se voit sur les toitures, ça se voit partout ! Après avoir eu des projets dans le journalisme, je suis revenu à temps plein à la propriété entre 1986 et 1987. Le domaine était réduit, il faisait 8/9 hectares. En 1985, nous avons eu -25 degrés pendant un mois ce qui a fait exploser des pieds de vignes. Nous n’avions plus 9 hectares mais plus que 4. » L’arrivée de Yves Raymond était signe de changements au Château Saransot-Dupré !

 » Mon travail a consisté à tout refaire ! »

Yves Raymond

Après une longue période de crise viticole et financière et un père âgé, Yves Raymond s’est vu obliger, lors de son retour sur la propriété, de devoir tout retaper… Les toitures, les cuves jusqu’à faire un long travail sur l’encépagement du vignoble : « Je me suis rendu compte que lorsque le vignoble a été reconstitué, on avait poussé l’ensemble du vignoble bordelais à ne planter qu’en grande majorité du cabernet sauvignon. À Listrac, les vieux y avaient mis un coup de frein car ils savaient que c’était un terroir à merlot ! Pour avoir des droits de plantation et pouvoir redévelopper le vignoble, on était quasiment obligé de planter du cabernet sauvignon. Lors de mon retour, j’ai commencé les dégustations des couches de ce cépage et je me suis aperçu qu’il y avait un souci : souvent dur et assez astringent. J’ai fait des études d’oenologie, je connaissais un peu la question. J’ai décidé de demander à l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité) l’encépagement de Listrac en 1957. Il s’est avéré que c’était, à cette époque, environ 60 % de merlot, 15 % de petit verdot, 15 % de cabernet franc et 7 à 8 % de cabernet sauvignon. A Saransot-Dupré, l’encépagement est à peu près comme autrefois : 62 % de merlot, 18 % de petit verdot et ça va encore augmenter, 15 % de cabernet franc et 7 % de cabernet sauvignon. Sur certains millésimes, comme en 2020, nous n’avons pas pu mettre plus de 5 % de cabernet sauvignon parce que cela durcissait le vin. »

Le vignoble du Château Saransot-Dupré n’est pas seulement composé de cépages rouges : « Actuellement, nous avons 17 hectares dont 15 en rouge et 2 en blanc avec du sémillon, du sauvignon et de la muscadelle. Nous sommes en train de demander la création d’une appellation Médoc Blanc. Je me suis occupé de remonter l’histoire du blanc pour justifier cette demande. J’ai pu remonter jusqu’au début du XVIIIe siècle. Il y a trois inventions qui sont arrivées ensemble et qui ont aidé la viticulture : la découverte de la mèche de soufre qui est aujourd’hui contestée par les vins sans sulfites, les débuts de l’industrialisation de la bouteille en verre en Angleterre, ce qui a permis d’avoir des bouteilles meilleur marché et la découverte du bouchage de liège. Elles ont permis la création des grands vins tel qu’on les connaît aujourd’hui. C’est pour ça qu’au début du XVIIIe, il y a trois grandes régions qui vont se développer : le Bordelais avec les vins du Médoc, la Champagne et la Bourgogne. »

« Les vins blancs du Médoc avaient une excellente réputation jusqu’au milieu du XIXe siècle »

Yves raymond

Retrouvez la suite de l’article la semaine prochaine !

2 commentaires sur « Une famille de vignerons chargée d’histoire »

  1. Chère Anne Pauline, tu me surprends encore une fois par la qualité de tes écrits, la précision de cette enquête, la connaissance que tu transmets aux lecteurs passionnés et également néophites .
    Quel talent!!!
    Ne lache rien, tu es sur la bonne voie…

    Aimé par 1 personne

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