Cette semaine, nous retournons à Saint Ciers d’Abzac. Je vous amène aux Vignobles Lafoi à la rencontre de Loïc qui a repris la propriété familiale depuis 2015. Il va nous expliquer sa vision de la viticulture.
« Je n’ai pas une famille issue du monde viticole. Mes parents se sont rencontrés pendant leurs études à Bordeaux. Après avoir été diplômé, mon père a travaillé comme chef de culture et maître de chai dans différents châteaux de l’Entre-deux-Mers où il se forme au métier. Il a eu la chance de rencontrer le propriétaire de l’exploitation d’ici qui était intéressé pour mettre un jeune en tant que gérant et associé. Ils se sont installés en 1986. Quelques années plus tard, ce monsieur a vendu ses terres mais à conserver mon père en tant qu’exploitant. Ma mère est rentrée dans la société, le monsieur est parti à la retraite. Petit à petit, mes parents ont commencé à acheter des terres, planter des vignes… » Voilà le point de départ des Vignobles Lafoi.
« De 1986 à 2010, ils avaient une propriété d’à peu près 30 hectares, une moitié où ils étaient propriétaires et l’autre moitié en fermage. Entre 2008 et 2010, les vignes étant vieillissantes, ils ont décidé d’arrêter cette partie et de se recentrer uniquement sur leurs terres : environ 15 hectares. Seulement, en stoppant les fermages, ils ont perdu les bâtiments d’exploitation. Ils ont dû investir dans un bâtiment. Plusieurs questions se sont posées. Mon père était à quelques années de la retraite. Il s’est donc demandé si mon frère ou moi était intéressé pour prendre la suite. Depuis tout petit, je participais aux travaux sur l’exploitation, je voulais aller dans le monde agricole et reprendre l’exploitation familiale. J’ai donc obtenu un BTS en viticulture et œnologie puis un diplôme d’ingénieur agricole. A la fin de mes études, j’ai voyagé et mon père m’a demandé de faire un choix : soit je revenais à l’exploitation, je remplaçais le salarié qui partait à la retraite, il me formait et après je m’installais, soit je continuais à voyager, je travaillais ailleurs et quand viendrait le moment de sa retraite on voyait si ça m’intéressait de reprendre. »
« Il faut se rappeler qu’en 2010, Bordeaux n’allait pas très bien. Il y avait une crise économique plus un problème de commercialisation. Quand je suis rentré c’était pour apporter de nouvelles choses. J’avais la bougeotte, la Chine était en train d’exploser, l’Asie achetait de plus en plus nos vins. J’ai commencé à faire mes armes sur le grand export vers 2012-2013. Je suis parti en Chine pour essayer de commercialiser nos vins. A cette époque c’était facile, j’ai rapidement accroché des importateurs. J’ai fait des essais pour l’Amérique Latine et l’Amérique du Nord. Parallèlement, l’image de Bordeaux commençait à se détériorer avec le Bordeaux Bashing et le sujet de la pollution avec les gentils Bourguignons et les méchants Bordelais. »
« J’avais mes convictions personnelles, je n’avais pas envie de continuer dans l’agriculture conventionnelle«
Loïc
« J’avais envie d’aller plus vers l’agriculture agro-écologique. Dans la commercialisation, on pouvait trouver beaucoup de vins conventionnels avec des prix défiants toute concurrence. Au vu du coût de ma structure, je savais que je ne pourrais pas tenir les prix, une rentabilité et une marge pour vivre. Il fallait que je trouve une porte supplémentaire ! Partir sur un nouveau créneau… On voyait arriver le bio a grand pas… En 2014, dans la réflexion du projet d’installation, malgré des partenaires financiers qui ne voulaient pas en entendre parler parce que c’était une perte de production assurée, une réduction des rendements et donc une augmentation du coût de production, j’ai voulu me lancer dans le bio. » Mais on ne se lance pas dans le bio sans préparation et c’est ce que Loïc a fait : « Mon père m’a dit, tu commences juste dans la viticulture, fais des tests je veux voir. Si tu arrives à gérer, on verra un peu plus loin. En 2013, j’ai commencé avec un îlot de 2 hectares. L’année suivante, je suis passé à 5 hectares. »
Qui dit conversion en bio, dit investissement dans du matériel adéquat notamment dans le travail des sols. Quand tu as 15 hectares il faut y aller progressivement. « Les traitements, tu fais tout d’un coup parce que c’est trop compliqué de faire deux systèmes de traitements différents. Très rapidement, on a traité en bio toute la propriété. En ce qui concerne le désherbage, c’est un gros surcroît de travail. Avant, tu faisais deux passages dans l’année, tu remplis ta cuve, tu passes dans les rangs, tu désherbes et c’est terminé. Le travail du sol est plus compliqué en bio. S’il a plu, tu ne peux pas – si c’est trop sec tu ne peux pas – s’il y a trop d’herbes tu ne peux pas ou ça fonctionne mal. Lorsque je me suis installé, j’avais un prévisionnel à faire sur 5 ans avec les investissements que je souhaitais faire. J’ai pu y intégrer l’achat de matériel et ça tombait bien parce qu’ils ont fait pas mal de subventions sur l’investissement de matériels pour le travail du sol. J’ai pu me doter d’équipements performants qui m’ont permis de passer de quelques hectares à toute la propriété en bio. On a fait le choix de le faire en 4 ans, de 2014 à 2018. Le dernier lot a été passé en bio en 2018, il a fallu qu’on attende 3 ans pour qu’il soit certifié bio. Depuis 2021, l’ensemble de la production est bio. »
« Pour que les acheteurs s’intéressent à vous, il faut de nouveaux produits tous les ans ou deux ans«
Loïc
Retrouvez la suite de l’article mardi prochain. Je vous dévoilerai les différents vins qui sont produits aux Vignobles Lafoi !