Quand la passion du vin date de l’enfance

Partons à Saint Etienne de Lisse dans le libournais à la rencontre d’Eric, propriétaire du Château Tertre de la Mouleyre. Il m’a confié sa vision du vin et son histoire.

« Ce sont mes grands-parents qui ont créé le château en 1950. Mon grand-père a tout arraché pour replanter. Il a choisi comme nom Tertre de la Mouleyre. Tertre parce qu’on est sur la hauteur et Mouleyre parce qu’il avait des parcelles autour d’un moulin et en occitan Mouleyre signifie la femme du meunier. A l’époque, il possédait 7 hectares. A son décès, mes parents ont repris l’exploitation mais mon père a tout mangé. Je n’ai pu récupérer que 1 hectare 70 en 1994. Depuis que je suis petit, j’ai toujours aidé mes grands-parents. Toutes les vignes sont en appellation Saint-Emilion. A l’heure actuelle, j’ai 1 hectare 30 en production. J’ai repris la même étiquette que lui et j’explique toujours bien que c’est mon grand-père qui l’a créé en 1950. Beaucoup ont pensé que c’était une suite du Château Tertre Roteboeuf parce que j’ai été en couple avec la fille. Les gens pensaient que c’était pour que j’arrive à vendre mon vin. Ce sont deux châteaux bien différents. »

Quelle agriculture est faite dans les vignes ? « Depuis 1994, je suis en agriculture biologique. Je ne le marque nulle part parce que ça ne change rien et depuis 2010, c’est surtout commercial. Je n’y trouve aucun intérêt ! » Pourquoi avoir fait ce choix ? « Selon moi, on peut faire du vin sans produit chimique ou de synthèse. Mon grand-père était déjà en bio et lorsque mon père a pris la suite, il a utilisé des produits systémiques pour traiter. Quand je suis arrivé, j’ai tout arrêté ! J’ai vu qu’on pouvait s’en passer. Depuis 28 ans que j’ai les vignes, j’ai mis deux fois de l’engrais ! » Pourquoi le choix du bio et pas de la biodynamie ? « Parce que je crois aux astres mais pas trop ! Par exemple, ils te disent qu’il faut tailler en jour fruit, je veux bien mais si tu prends le calendrier entre novembre et février, tu dois avoir 7 jours en jour fruit. Sachant, qu’il te faut 5-6 jours pour tailler un hectare… Si tu ne tailles que les jours fruits, tu ne tailles pas souvent… Personnellement, je n’y crois pas !« 

« J’essaie de faire de la qualité au détriment de la quantité »

ERIC

« Depuis 2010, je travaille à plein temps ici, avant je travaillais dans d’autres propriétés. Jusqu’en 2008, je vendais tout le vin au négoce en vrac. Ca me faisait un peu d’argent de poche. Puis en 2008, j’ai commencé à faire à la bouteille. On me disait que c’était plutôt pas mal ce que je faisais et que c’était idiot de le vendre aux négoces plutôt que de le commercialiser moi-même. Je vends presque tout en Primeurs maintenant ! J’avais essayé de créer des réseaux de commercialisation… Maintenant c’est une personne qui s’en occupe ! Je sais faire le vin mais je ne sais pas le vendre. Je fais quelques gros salons parfois mais je ne suis jamais derrière mon stand ! Pour la dégustation, je sers les personnes mais je n’explique jamais mon vin. En faisant comme ça, je sais exactement ce qu’ils pensent de ma production. »

Comment se passent les travaux dans la vigne ? « Le travail des sols, je ne le fais que très rarement. Là, j’ai un peu décompacté après les vendanges, sinon je laisse l’herbe et je fauche à la main à débroussailleuse thermique dans les 1 hectare 30 après avoir décavaillonné fin février. Je ne taillerai que fin février voire début mars. Certains ont déjà commencé. Je trouve que ça a un impact sur les maladies du bois. Quand on taille tard, ça évite aux maladies d’attaquer les vignes. On arrive aussi à gagner un ou deux traitements. En produit, j’utilise seulement du cuivre. En bio, c’est ce que l’on met. Autrefois, ils en mettaient trop. Il faut trouver un juste milieu et faire attention. Les premiers traitements, je les commence à 120 grammes de cuivre par hectare et je finis à 520/530. Cette année, mon dernier traitement, je l’ai fait le 25 juin. Il n’y avait pas de maladie donc aucun intérêt de traiter. Il faut regarder comment la vigne se comporte, si elle n’en a pas besoin ça ne sert à rien de lui en mettre. Elle se régule toute seule. En même temps, ça m’évite de travailler ! C’est une question de logique !« 

« Le travail de la vigne c’est de l’expérience et de la bonne pratique »

Eric

« Cette année, je n’ai pas effeuillé ! J’essaie de travailler en fonction du climat de l’année. Là ils nous annonçaient de la chaleur tout l’été. Si j’avais effeuillé, ça aurait pu cramé et c’est pas bien ! Même si je trouve que des raisins flétris lorsque tu les goûtes, tu les trouves bons par contre si tu veux faire un vin qu’avec ça ce n’est pas bon. Si tu fais un vin avec des raisins flétris et des raisins gorgés, le mélange des arômes est très agréable. Cela apporte une touche en plus que je trouve que l’on retrouve dans la bouteille. Tu ne sais jamais sur quel arôme tu vas tomber et il évolue tout le temps. » Comment se déroulent les vendanges ? « Elles sont sur une journée. Tout est mis en cagette. Nous sommes entre 25 et 30 vendangeurs. Tout est ramassé à la main. Le tri est fait dans la vigne pas au chai. A la suite, je vinifie, j’écoule et je mets en barriques. La vinification se fait dans des cuves inox et tous les ans, j’utilise 55% de barriques neuves et 45% de barriques d’un vin. Le millésime 2022 sera tout en barriques neuves, je trouve ça meilleur. Le raisin que je ramasse va me donner le vin ! Mon but est de faire un vin buvable de suite et qu’on peut garder longtemps. »

La sécheresse de cet été a-t-elle eu un impact sur les vignes ? « On a de la chance ici, on est sur des sols vraiment argilo-calcaire. Ce qu’il fait que quand il pleut trop, l’eau s’en va et quand il fait chaud comme cet été, la vigne ne souffre pas parce que par capillarité dans le calcaire l’eau remonte. Elles ont eu ce qu’il fallait. Elles sont positionnées plein nord. Cette année, des vignerons ont eu des gros degrés, moi ça sort à 14,5 degrés. Après je n’accorde aucune importance à la quantité, je prends ce qu’il y a. Cette année, on est sur 35 hectos. L’année dernière, c’était 25 mais ça ne m’intéresse pas. » Quelle est la composition du vin ? « Je ne fais que du rouge. Pour les parcelles j’ai 90% de merlot et 10% de cabernet franc. Depuis l’année dernière, j’ai commencé une cuvée 100% merlot que je n’ai pas encore commencé à commercialiser. » Pourquoi cette création ? « Je vends le vin assez cher et là je vais faire une bouteille qui va être plus onéreuse. Tout simplement parce que je m’aperçois avec le temps qu’il faut arrêter d’acheter des étiquettes. Les étiquettes à St Emilion elles sont chères mais que le vin à l’intérieur, si on le goûte à l’aveugle, je ne trouve pas qu’il soit top. Là je fais une bouteille qui sera plus chère que tout le monde pour montrer aux jeunes qui démarrent qu’ils peuvent y arriver aussi si on leur dit et si on leur ouvre la voie. En plus, je suis particulier parce que je ne connais personne au syndicat viticole, je n’y vais jamais, je m’éloigne de tout ça. Je n’aime pas les gens qui donnent des leçons aux autres. Je n’ai pas non plus d’oenologue conseil, pas de conseiller viticole. Je fais tout tout seul c’est moi qui décide et si quelqu’un se trompe c’est moi ! »

« J’ai pris un peu de toutes mes expériences pour mettre des idées en place ici »

eric

N’hésitez pas à aller à sa rencontre pour déguster ses vins et en acheter !

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