Partons cette fois se balader dans l’appellation de Fronsac. Connaissez-vous le Château Magondeau ? Il est situé sur la commune de Saillans. Je suis allée à la rencontre d’Olivier Goujon, le propriétaire, pour qu’il me livre un bout d’histoire de sa propriété de 18 hectares.
« C’est un domaine familial que mes grands-parents ont repris dans les années 30, puis mes parents dans les années 60. En 1956, une grosse gelée a touché et détruit le vignoble. Il n’y avait pas eu d’hiver et en février, en une seule nuit, la température a chuté de 15 degrés ! La sève était encore présente dans les pieds, ces derniers ont éclaté ! Mon grand-père, à cette époque, vendait tout aux négoces en citerne. Sauf qu’il s’est retrouvé sans récolte et donc sans rentrée d’argent. Il a fallu remettre à flot la propriété. Mon père est parti 27 mois sous les drapeaux pendant la guerre en Algérie et Tunisie. » Une période difficile pour les vins en Fronsadais avec l’abandon des négoces pour cette appellation. « Les professionnels avaient une image de vin de caractère du fait du terroir et des encépagements. Nous faisions à leurs yeux un vin médecin ! »
« A cette époque, mon père a redémarré doucement la propriété en développant la vente en bouteilles. Par un concours de circonstances, des belges présents à l’époque de la guerre sont revenus 15 ou 20 ans après. Ils ont dit à ma grand-mère et à mon père de venir en Belgique pour présenter leurs vins. Papa a donc démarré la mise en bouteilles à la propriété. Il en a profité pour prendre une carte de négoce. Il a donc acheté du vin à mon grand-père, à son frère, à un château dans le Pomerol et à une propriété dans le Saint-Estèphe. Au bout de quelques années, nous avons vendu que du Magondeau !«
« A partir de cette période, avec ma maman, ils ont développé la vente directe sur foires et salons. C’était le début des foires de Paris et le début des 30 Glorieuses ! »
Olivier Goujon
Le vin, à cette époque, fait partie du quotidien et de la ration alimentaire. « Le vin se vendait très bien jusque dans les années 95. Mes parents écoulaient l’équivalent d’une récolte en bouteilles aux particuliers. Ils ne passaient plus par les négoces. Environ 132 à 135.000 bouteilles étaient vendues dans des salons à Paris, à la foire agricole, aux deux salons de Lille, deux autres à Strasbourg et un en Belgique. Ils faisaient deux mises en bouteille par an : une au printemps et une au mois d’Août. »
La passion du vin Olivier l’a depuis son plus jeune âge ! « Depuis que j’ai 12 ans, j’allais dans les chais et les vignes notamment pendant les vendanges. Lorsqu’on me demandait de choisir entre la plage ou les vignes, j’allais dans les vignes. Seulement en 5e, je suis parti en pension parce qu’en 6e lorsque je sortais des cours, je montais sur un tracteur ou j’allais voir ce qu’il se passait au chai. Ma mère était obligée de me courir après. Je suis donc parti en semi-disciplinaire à Tersac. Après des études de viticulture et d’œnologie, je suis revenu à la propriété en 1989. J’étais d’abord salarié jusqu’en 98, puis co-gérant et je me suis installé en 2000. L’année où il ne fallait pas mais ça je le dis avec le recul. » En 2000, Bordeaux était au sommet de tout au niveau vente bouteilles, négoce…
« A partir de 94-95, on a repris à vendre aux négoces car nous avions un peu de stock. Puis les foires commerciales ont perdu de la vitesse. On est arrivé à la fin des 30 Glorieuses. Les modes de consommation et les intérêts ont changé. De moins en moins de vins sont envoyés par les transporteurs à cause des coûts. Nous avons adhéré dans les années 95 aux Vignerons Indépendants. Nous avons constaté une baisse des clients fidèles à cause d’une multitude d’offres. Et ça va encore évoluer, on le voit notamment avec la remise en route des cavistes. Ces derniers se développent beaucoup en ville. A la campagne, on reste attaché à nos traditions, à nos habitudes parce qu’on est encore de la terre et qu’on a des racines ! Moi-même, je fais des échanges quand je reviens de déplacement. A Paris, par exemple, les gens quand ils sont avec des amis, ils vont soit dans un bar à vin, soit chez le caviste du quartier parce qu’ils n’ont rien dans la cave. Puis aussi avoir du vin dans sa cave, c’est un budget qui dort. On est dans une société de consommation rapide. »
« On ne fait plus les Fronsac que l’on faisait avant ! Ca ne correspond plus à l’attente des consommateurs !«
Olivier
Sans surprise pour personne, les goûts des consommateurs ont évolué avec le temps. Olivier nous explique comment en gardant une identité, ses méthodes de vinification ont elles aussi changé. « J’ai pris la décision de me diriger vers du 100% merlot qui répond à la fois à cette histoire de vin de cépage et de facilité de découverte. Les gens n’apprécient plus les vins vieux. Pourquoi on les vieillissait ? Parce qu’à cause des techniques de vinification que l’on faisait, on n’avait pas le choix ! On éraflait plus ou moins, on remettait des rafles, on travaillait beaucoup moins les vins également. Jusque dans les années 80, nous avions une équipe de vendangeurs pendant 15 jours à 3 semaines. Pour la notion de maturité, nous savions que 100 à 110 jours après la fleur, nous étions dans les vendanges. Parfois nous récoltions un peu avant la bonne maturité. Cette notion technologique et œnologique n’était pas aussi poussée que maintenant ! Nous sommes passés à la machine dans les années 80, nous faisions appel à un entrepreneur mais il travaillait comme un cochon. Puis nous avons eu notre propre machine pendant environ 15 ans et maintenant, je fais faire par un entrepreneur. »
Le matériel est à prendre en compte à l’heure actuelle dans la qualité des vins. L’évolution est extraordinaire. « Maintenant, nous prenons en compte la maturité phénolique c’est-à-dire la maturité du pépin ! On va le goûter, plus il est marron, plus il est mûr. Du fait qu’il soit mûr, les tanins sont beaucoup plus doux. Maintenant en cuve, on ne met que les grains. Autrefois, on mettait un peu de rafle. A la fin de la vinification, si les vins sont trop durs, on va faire de la micro-oxygénation sur marc. Nous faisons des vins élégants, adaptés à la demande du client. Il veut des vins ronds, du fruit, de l’onctuosité, qu’il vieillisse 6-8 ans pour pouvoir se faire plaisir. Donc vous faites plusieurs cuvées ! »
« Nous avons arraché les derniers Cabernets que nous avions en 2003 ! »
olivier
Retrouvez la suite de l’article la semaine prochaine…
Continue ma Chère Anne Pauline. Le travail paye toujours. Ton heure est proche et tu recevras le fruit de ton excellent travail…
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Merci beaucoup pour tes encouragements !
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