Cette semaine, je vous emmène à la découverte d’un château situé sur la commune de Tizac de Curton : le Château Le Tros. Il appartient à la famille Jabouin depuis trois générations. Se sont succédé Roger, Philippe et maintenant Mathieu. Je suis allée à la rencontre de ce dernier pour qu’il m’en dévoile quelques secrets.
« L’histoire du Château Le Tros commence dans les années 1960 avec mon grand-père. Il débute sa carrière de viticulteur avec deux hectares. Il faut savoir qu’il était mécanicien à la base. Il a hérité de deux hectares du côté de ma grand-mère et faisait du vin pour sa consommation personnelle ainsi que pour le commerce local, me confie Mathieu. Nos vignes s’étendent sur plus de 65 hectares réparties sur trois communes : Tizac de Curton, Génissac, Naujan et Postiac. Elles font partie de l’appellation Bordeaux. » Roger Jabouin fait construire un premier chai en cuve inox en 1980. Un très gros investissement pour l’époque parce qu’en plus tout est relié en thermorégulation. C’est dans les années 80, que Philippe rejoint la propriété familiale. « Quand mon père l’a rejoint, ça a redynamisé et donné un coup de fouet à l’entreprise. Ils se sont mis en GFA (Groupement Foncier Agricole) ce qui a permis d’agrandir la superficie, ils avaient environ 40 hectares. Nous en avons actuellement une soixantaine.«
« J’ai très vite compris qu’il ne veut jamais être le premier. Il regarde ce que font les autres et quand ça fonctionne il ajoute sa touche de modernité et de technique »
A propos de son grand père
« Mon grand-père a fait du rosé moelleux en 1975. Mais la base de sa production était le rouge, le rosé et le blanc. Il s’est même lancé dans la conception du crémant en 1988, la première année de production AOC de crémant en Bordeaux qui était appelée méthode Champenoise. Du coup, ça montre qu’on était parmi les pionniers à faire du crémant en AOC Bordeaux. » 2010 devient une année importante, c’est l’arrivée de Mathieu à la propriété. « C’était pour moi une évidence de venir travailler avec mon grand-père et mon père. Je suis comme Obélix, je suis tombé dedans quand j’étais petit. Déjà au lycée, je venais travailler à la propriété. On a développé notre vin Perles Noires puis Dernier Carat pour apporter une touche de modernité. Chaque génération a amené du dynamisme. Mon père la technique et moi plus la gestion et la commercialisation. »
La soixantaine d’hectares leur permet de produire sept vins différents ainsi qu’un crémant. « Nous élaborons trois rouges : le tradition (75% Merlot, 15% Cabernet sauvignon et 10% Cabernet franc) il est élevé en cuve, la cuvée spéciale (100% Merlot), élevée en barriques de chêne français pendant 12 mois après fermentation malolactique et Perles Noires (100% Merlot) élevées en barriques neuves de chêne français. Nous avons également une gamme de trois blancs : le blanc sélection (60% Sauvignon – 40% Sauvignon petit gris) il connait une fermentation et un élevage en barriques neuves, le blanc (60% Sauvignon , 20% Sémillon , 20% Sauvignon petit gris) et le dernier carat (100% Sauvignon gris) dont la fermentation et l’élevage se fait en barriques bordelaises neuves. Pour finir, nous avons aussi un rosé (85% Merlot et 15% Cabernet sauvignon) et un crémant.«
« Le meilleur millésime est celui qui reste à vendre »
Philippe
« Nous cherchons à avoir une gamme consommable assez rapidement. Tous nos clients n’aiment pas garder leurs vins ou n’ont pas les capacités de le faire. Certains n’en ont pas la volonté. Tous les millésimes sont bons à déguster, il faut le faire au bon moment. Comme pour les 2013 et les 2017, ce sont des millésimes décriés. S’ils sont bien guidés, ils ne sont pas déçus. Quant au millésime 2021, j’en suis très satisfait ! Les vins sont très équilibrés, sur le fruit. Il sera quand même à prendre avec des pincettes, il ne sera peut-être pas simple à boire ». Quelle est l’histoire du petit dernier ? Tout commence par un test en 2015. « On a tourné les grappes pour provoquer un stress de la plante de façon à faire une sorte de passerillage* sans couper les astes ou faire sécher le raisin. Cela a été concluant ! Les raisins se sont mis à roussir puis à flétrir. L’acidité était présente, les raisins étaient délicieux. Ils ont des notes de miel et d’acacia. Pour la première récolte, nous avons produit 900 bouteilles. Quand nous avons refait en 2018, nous avons doublé la quantité, nous avions une belle demande et un marché s’est ouvert en Chine. Il me tarde de le refaire !«
« Quand je fais du Dernier Carat, ce n’est pas qu’une histoire de stock ou de vente ! C’est surtout un état d’esprit ! »
Mathieu
Le château est passé en HVE3 en 2019. Passer en Bio ou en Biodynamie ? « Ce n’est pas dans les projets. Cette année, nous avons sauvé la récolte sans traiter plus qu’en 2020. Ça s’est joué à pas grand chose. On est également sorti du désherbant, on est passé à l’intercep*. Bordeaux a une image de pollueur mais ce sont les vignobles qui font les plus d’efforts en France et qui ont fait le plus de transition écologique. D’autres appellations en France nous ont enviées et sont jalouses. Ils nous ont fait du mal. Maintenant, l’image des vins de Bordeaux est difficile à redorer. » Quelle(s) solution(s) ? « La communication ! Quand on fait quelque chose on doit en parler. Par exemple, on sort du glyphosate on doit en parler et le faire connaitre. » Quel impact à eu le Covid sur les viticulteurs ? « Le premier confinement nous a fait du mal, une grosse psychose s’était installée. Le couvre feu ne nous a pas aidé non plus. Nous faisons un produit de passion et de partage. Les gens ne se voyaient pas pour en consommer. » Avec deux salons par an et peu d’exports, le Chateau le Tros a peu été impacté par l’arrêt de nombreux salons. « En France, nous avons beaucoup de clientèle dans le Nord-Ouest et le Centre. Là où il n’y a pas de vignes. Nous n’avons pas le temps d’aller sur les routes. Avant, les acheteurs étaient très fidèles, aujourd’hui il y a beaucoup de concurrence ! Notre savoir-faire s’est même exporté à l’étranger. Nous voudrions développer notre carnet d’adresse, c’est dans nos projets. Il faut sortir de cette spirale dangereuse où l’on incrimine le Covid. Il faut se remettre en question surtout en terme d’image. Les clients cherchent de l’authenticité mais il faut souligner que nous avons en Gironde le meilleur rapport qualité/prix ! »
Au Château Le Tros, la famille joue un rôle important ! Les trois générations ont travaillé ensemble avant que Roger prenne sa retraite. Chacun a un rôle important « Mon père est à la retraite depuis quelques mois mais il m’apporte ses conseils notamment au chai, ma mère s’occupe de la gestion, de la comptabilité et de l’envoie des commandes. Je sais que sans eux ça n’aurait pas été possible ou ça aurait été très différent. J’en suis très reconnaissant ! J’aimerais que ça reste dans la famille, ça serait un aboutissement. Que ce soit ma fille ou un neveu ou un cousin tant qu’ils font le métier qui les passionne ! »
« J’invite les gens à aller voir les producteurs et à aller goûter avec eux ! »
Mathieu
N’hésitez pas à contacter le Château Le Tros sur leurs réseaux sociaux pour aller les voir – déguster du vin et en acheter !
Passerillage : une technique qui consiste à laisser les raisins sur pied afin qu’ils sèchent sous l’action conjuguée du soleil et du vent. Cela déshydrate les baies et, par conséquent, concentre les sucres.
Intercep : Il repose sur une lame bineuse, non coupante, qui vient glisser contre le pied de vigne.
Cher Amies et chers amis voici le bilan d’activité de l’ADDEC. Nous le présenterons lors de l’AG du 28.05.22; Bonne lecture. Bises
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