Reprenons la route des vins dans le Fronsadais et arrêtons nous à Villegouge au Château Boutinet qui appartient à Jérome et Nathalie. Je suis allée à leur rencontre pour qu’ils vous dévoilent les secrets de leur propriété.
« Avec Jérome, nous avons acheté cette propriété du 18e siècle en 2011. Nous nous sommes rencontrés en fac d’oenologie. Il a grandi dans le Médoc. Son papa était directeur d’exploitation, donc sa passion a toujours été de faire du vin. Son rêve : avoir son nom sur l’étiquette. Moi, je ne suis absolument pas du domaine viticole. Mes grands-parents avaient une brasserie à Bordeaux et j’entendais toujours parler de vins. Le dimanche, il y avait la bonne bouteille sur la table. Mon premier métier, c’est guide ! Par le tourisme, j’ai accompagné de plus en plus de visiteurs dans les vignobles à Bordeaux mais aussi en Bourgogne et dans la Vallée de la Loire. J’ai développé une activité de balade à pied dans les vignes. Ca me parlait, comment on pouvait faire, à partir de raisins, un vin extraordinaire et différent de celui du voisin. Surtout, toute l’histoire qu’il y avait derrière les vignerons. J’ai suivi une formation à l’école des vins de Bordeaux au CIVB pour être formatrice et je me suis vite rendue compte qu’il me manquait une base scientifique. J’ai décidé de reprendre une année d’étude où j’ai rencontré Jérôme. On était les deux seuls de la rive droite donc on a fait du covoiturage. Lui venait passer le DUAD* pour être jury de dégustation donc il s’embêtait un peu et moi je galérais beaucoup avec le nom des molécules donc il m’a aidé. »
Comment est venu l’achat du Château Boutinet ?
« On est très complémentaires : Jérôme a toute la connaissance sur la vigne et le vin et moi j’ai toute la connaissance pour faire venir du monde et vendre du vin. On a visité plusieurs propriétés pendant deux ans. Quand on est arrivé ici, on a eu un énorme coup de coeur. Il se dégageait une très belle énergie du lieu ! Ca a été un énorme challenge parce que le château était en vente depuis trois ans. Heureusement, les vignes étaient en parfait état : des ouvriers travaillaient encore sur place. Mais, nous avons acheté une propriété sans stock, pas de bouteilles à vendre puisqu’ils étaient coopérateurs. Sans marque également, le nom Boutinet avait disparu. Sans fichier clientèle. Cela ne nous a fait absolument pas peur ! Au contraire, on s’est dit qu’on allait pouvoir faire ce que l’on veut. On ne le cache pas, on a quand même ramé au départ. Heureusement qu’on avait la cave coopérative. On a donc acheté 8 hectares de vignes, 5 hectares de prés qui sont en jachère autour de la propriété et 10 hectares de forêt. Aujourd’hui, nous sommes à 12 hectares de vignes. Une partie des raisins est vendue en cave et avec l’autre partie, nous faisons du blanc, du clairet et du rouge. »
« J’imaginais mal Jérôme traiter sur le tracteur, déjà pour sa santé et laisser nos enfants courir dans les vignes »
Nathalie
« Toute la propriété est en bio ! Quand nous l’avons achetée elle ne l’était pas. Pour moi, c’était une évidence. Donc nous avons procédé par étape. Pour Jérôme, il avait cette idée (enseignée à l’école) que le bio à Bordeaux ce n’était pas possible. On n’a pas cherché à avoir de certification de suite. Nous avons commencé en 2013 en arrêtant le fameux glyphosate. Il a fallu trouver les outils et le rythme de travail. En 2017, nous avons fait la demande du label. Cette année-là d’ailleurs nous avons perdu la récolte à cause du gel. Nous sommes officiellement labellisés bio depuis le millésime 2020. » Quand est-il de la biodynamie ? « Ca me parle énormément. On a fait une année avec un consultant. Je suis convaincue que l’on peut soigner les plantes par les plantes. Il y a un côté ésotérique. Pour Jérôme, il y a des choses qui lui parlent comme l’utilisation d’ortie, de valériane… Mais maintenant, se dire qu’il faut faire un traitement parce que la constellation du lion est devant la lune, il a beaucoup plus de mal ! On utilise la biodynamie mais on n’ira jamais jusqu’à la certification parce que ce n’est pas quelque chose qui résonne pour Jérôme. »
Quel est le bilan pour le millésime 2022 ?
« Il faut se souvenir qu’avant la sécheresse, nous avons eu de la grêle. On a qu’une parcelle qui a été touchée. Les blancs, nous avons perdu 30% et pour le cabernet franc nous n’en avons pas ramassé. Au départ, nous pensions faire la quantité, on a de la chance d’avoir des sols argilo-calcaire qui maintiennent l’humidité. On a fait 37 hecto-hectare. Globalement, on est dans la moyenne de Bordeaux. Pour la qualité, nous ne nous attendions pas à ça. On avait peur d’avoir peu de tanins et finalement c’est très équilibré. On est très content de ce millésime. En 2021, nous n’avions pas produit, on a été très touché par le mildiou. On a vendu le raisin à la cave parce qu’elle a les techniques et les volumes pour lisser et nous nous n’avons pas cette quantité. Plus de 80% de notre clientèle sont des particuliers, on ne veut pas les décevoir. »
Retrouvez la suite la semaine prochaine pour connaître leur gamme de vins ainsi que leurs activités oenotouristiques !
DUAD : Diplôme Universitaire d’Aptitude à la Dégustation